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Avantages et risques du cododo : ce que l’on sait aujourd’hui

Maman souriante tenant dans les bras son bébé

Souvent pratiqué au moins ponctuellement, le cododo reste un sujet de vives polémiques. Si les autorités le déconseillent, il s’impose au sein de nombreuses familles comme une nécessité pour enfin accéder à des nuits sereines et récupératrices. Alors, le partage du lit parental est-il une bonne option quand on souhaite donner le meilleur à son enfant ? Voyons ce que disent les études sur ses bienfaits et sur ses risques.

Être parents… jusqu’au bout de la nuit !

La plupart des parents sont attentifs à leur enfant au cours de la journée et veillent à lui apporter la sécurité affective dont il a besoin. Mais la nuit, c’est souvent une tout autre histoire ! Les spécialistes considèrent que l’enfant doit dormir seul, parfois dans une chambre isolée, d’une traite pendant de nombreuses heures sans solliciter ses parents. Mais comment faire quand les choses ne se passent comme prévu ?

Dormir avec son enfant, une histoire de culture

La conception du sommeil solitaire du bébé s’est imposée à partir du début du 20e siècle. Elle a été facilitée par l’essor de l’allaitement artificiel qui amène les enfants à manger moins fréquemment la nuit et à dormir plus profondément. Pourtant, dans bien des cultures, le cododo reste la norme(1). Elle est par exemple très commune en Chine où, dans certaines régions, jusqu’à 88 % des bébés dorment auprès de leurs parents, mais très rare en Turquie où elle concerne moins de 2 % des bébés(2). En France, une étude menée en 2004 indiquait qu’environ un tiers des nourrissons de moins de 6 mois partagent le lit de leurs parents de façon plus ou moins régulière(3).

Kanji japonais signifiant cododo
Au Japon, le cododo est nommé « kawa », qui signifie « rivière entre les berges », représenté par ce signe qui évoque un enfant dormant entre ses parents.

Une réponse à un besoin naturel

Les interactions entre la mère et l’enfant se sont façonnées au cours des sept millions d’années d’évolution des hominidés pour répondre aux besoins spécifiques et intenses des nourrissons, de jour comme de nuit. Le fait de partager le sommeil permet aux femmes non seulement de protéger leur bébé, mais aussi de l’allaiter plus sereinement. Des spécialistes ont même créé le terme de « breast-sleeping », qui provient de la contraction de « breastfeeding » (allaitement au sein) et de « co-sleeping » (dormir ensemble) pour évoquer le lien étroit entre les deux pratiques.

Cododo et allaitement au sein, deux pratiques qui vont de pair

Le lait maternel est un aliment parfaitement adapté aux besoins des nourrissons. Sa composition spécifique le rend particulièrement digeste et facile à assimiler par l’organisme du bébé. Pour satisfaire ses besoins nutritionnels, le nouveau-né doit être allaité de façon très régulière, avec des tétées relativement rapprochées, au moins 8 à 12 fois par 24h(4). Cette exigence nécessite une grande disponibilité de la mère, à toute heure de la journée.

Photo des bustes d'une maman et de son bébé dormant tous les deux dans un lit blanc, le bébé au centre recouvert d'un couverture tricotée blanc cassé et la maman à gauche, habillée d'un chemise blanche, couvrant le bébé de son bras.
Dormir avec son bébé permet de répondre aux besoins spécifiques et intenses du nourrisson

Les enfants allaités au sein dorment plus souvent avec leurs parents

Pour une jeune maman, dormir auprès de son enfant facilite l’allaitement et permet d’éviter d’avoir à se relever plusieurs fois dans la nuit. Les bébés allaités au sein partagent ainsi plus fréquemment le lit de leurs parents que les bébés nourris au biberon. Une étude mené au Royaume-Uni auprès de 253 familles a par exemple montré que 72 % des nourrissons allaités au sein dorment dans le lit parental, contre seulement 38 % des nourrissons prenant le biberon(5).

Sommeil partagé, tétées rapprochées

Juste après la naissance, le contact physique étroit entre l’enfant et la mère facilite la mise en place de l’allaitement(6). Le cododo va ensuite créer les conditions favorisant son entretien grâce à la multiplication des tétées nocturnes. Des chercheurs se sont livrés à une expérience : ils ont installé des caméras pour enregistrer les nuits de 80 bébés âgés de 5 à 27 semaines tous allaités au sein, à l’exception de 5 d’entre eux. La moitié dormaient dans la chambre parentale dans un lit pour bébé, l’autre moitié directement dans le lit des parents. Les enregistrements ont révélé que les bébés dormant avec la mère étaient nourris plus fréquemment (4 fois plus de tétées) que les bébés dormant dans leur berceau(7).

Un intervalle de temps réduit entre deux tétées

Ce rythme de tétées plus soutenu en cas de cododo a par ailleurs été démontré lors d’une expérience en laboratoire impliquant des mamans allaitantes et leur bébé. Une partie avait l’habitude du cododo, l’autre partie dormait séparément. Au cours de la première nuit de l’étude, les enfants qui partageaient le lit de leur maman ont tété plus fréquemment que ceux qui dormaient seuls, avec 5,8 tétées contre 2,8 pour les dormeurs solitaires. L’intervalle de temps moyen entre deux tétées était également raccourci (91,3 min contre 145,9 min)(8).

Graphique montrant que les bébés qui dorment avec leur mère tètent plus souvent que ceux qui dorment seuls.
Les bébés qui dorment avec leur mère tètent plus fréquemment au cours de la nuit.

Le cododo favorise la poursuite de l’allaitement

En favorisant la lactation et en créant des conditions plus confortables pour la maman, le sommeil partagé encourage un allaitement de longue durée dont on connaît les bénéfices pour la santé. Une étude a été menée auprès de 870 mamans vivant en Angleterre pour connaître les durées d’allaitement. Parmi elles, 28 % dormaient fréquemment avec leur bébé, 44 % ne le faisaient jamais ou très rarement. Les résultats montrent que les femmes pratiquant le cododo étaient plus susceptibles de continuer à allaiter leur bébé au-delà de 6 mois que celles du second groupe qui le menaient rarement au-delà de 3 mois(9).

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Une proximité physique garante d’un bien-être partagé

Dormir en contact étroit avec son bébé permet à la maman d’être attentive à son bien-être. Cette configuration offre un environnement rassurant pour l’enfant, propice au développement d’un lien d’attachement sécurisant(10).

Un cocon protecteur formé par le corps de la maman

Comme l’ont révélé des enregistrements vidéo, quand une maman allaitante dort avec son bébé, elle adopte spontanément une position de sommeil particulière(11). Étendue sur le flanc, elle fait face à son enfant et l’enveloppe avec son corps. Celui-ci est situé à hauteur de la poitrine maternelle, sous le niveau de l’oreiller et se retrouve dans une sorte de cocon délimité en haut par le bras de sa mère, en bas par ses jambes repliées. Dans cette position de sommeil, le bébé est placé sur le dos et bascule sur le côté pour attraper le sein. Le risque qu’il se retrouve sur le ventre est faible, car la présence de la mère empêche le basculement complet de son corps(12). Cette position maternelle correspond à un comportement instinctif adopté par la maman pour protéger son enfant pendant le sommeil. Des spécialistes de la relation nocturne entre la mère et le bébé résument ai si la situation(13) :

« Le corps de la mère constitue le seul environnement adapté au nouveau-né humain. »

James McKenna et Lee Gettle

 

Dessin d'une maman allongée dans son lit avec son bébé positionnée au niveau de sa poitrine.
Lors du sommeil partagé, la mère et l’enfant adopte une position caractéristique sécurisante.

Des interactions facilitées

En cas de cododo, le duo mère-enfant passe la majeure partie de la nuit à moins de 30 cm l’un de l’autre. La respiration maternelle génère un micro-environnement qui contient du dioxyde de carbone à un niveau sans danger pour l’enfant, et qui stimule sa propre respiration(14) Cette grande proximité physique permet à la mère de veiller à ce que tout aille bien pour son enfant. Une étude a montré qu’elle l’inspecte à 11 reprises en moyenne au cours de la nuit, sans être toujours totalement éveillée(15), là où les enfants qui dorment dans un berceau ne le sont qu’à 4 reprises. En cas de maladie, le sommeil partagé permet à la maman de surveiller l’évolution de la situation, détecter la survenue de fièvre et réagir rapidement(16).

Une synchronisation des rythmes de sommeil 

Une étude a montré que la proximité entre la mère et son bébé en cas de sommeil partagé est telle qu’ils arrivent à coordonner une partie de leurs réveils spontanés au cours de la nuit(17). Cela permet d’atténuer cette sensation d’être arrachée au sommeil trop fréquemment, si épuisante pour une jeune maman.

Des bénéfices qui persistent jusqu’à l’âge adulte

Au-delà des bénéfices immédiats, les bienfaits du sommeil partagé semblent s’inscrire dans le long terme même si peu d’études ont été conduites sur le sujet. Les enfants âgés de 12 mois ayant bénéficié de cododo et d’allaitement maternel au cours de leurs 6 premiers mois de vie répondent mieux au stress que les autres enfants(18). Dans une étude menée auprès de 205 familles, le partage du lit dans la petite enfance était associé à de meilleures performances cognitives à l’âge de 6 ans(19). Les enfants ayant profité du cododo semblent par ailleurs moins affectés par des troubles psychiatriques(20)et plus susceptibles d’avoir une forte personnalité à l’âge adulte(21).

Le cododo est-il vraiment associé à un risque accru de mort inattendue du nourrisson ?

La communauté médicale est unanime pour conseiller aux parents de partager la même chambre que leur bébé, mais avec un lieu de couchage séparé, et ce, au moins pendant les 6 premiers mois de vie. Cette pratique permet, semble-t-il, de réduire de moitié le risque de mort inattendue du nourrisson(22) (mort subite du nourrisson et décès d’origine accidentelle au cours du sommeil). En France, la mort inattendue du nourrisson concerne environ 500 bébés de moins d’un an chaque année.

Photo d'une maman portant une brassière vert clair, allaitant en souriant et en regardant l'objectif, la tête sur un oreiller, allongée dans son lit avec un nourrisson en body bleu clair vu de dos au premier plan.
Le cododo est protecteur tant qu’un certain nombre de règles simples sont respectées.

Une augmentation du risque dans des situations bien spécifiques

La question des risques liés au cododo est pourtant loin d’être tranchée définitivement. Au Japon, à Hong Kong ou au Bangladesh par exemple, le cododo est la norme et la prévalence de la mort subite est peu élevée, alors qu’aux États-Unis, parmi les Afro-Américains qui pratiquent le cododo, elle est relativement élevée(23). Le principal facteur de risque ne serait donc pas le fait de faire du cododo, mais les comportements parfois associés à cette pratique. Des études ont montré que le partage du lit est un facteur de risque de mort subite du nourrisson lorsque les parents fument, consomment de l’alcool, des drogues ou des médicaments altérant leurs sens(24). Des données plus récentes suggèrent qu’en l’absence de ces conduites à risque, le partage du lit n’est pas associé à un risque accru de mort subite du nourrisson. Il semble même avoir un effet protecteur chez les nourrissons de plus de trois mois(25).

Un sommeil plus léger et donc plus protecteur

L’effet protecteur observé dans cette dernière étude pourrait s’expliquer par les caractéristiques particulières de l’architecture du sommeil les bébés pratiquant le cododo. Des chercheurs ont enregistré le sommeil de 20 bébés dormant avec leurs parents et de 15 bébés dormant seuls(26). Tous étaient allaités. Les scientifiques ont constaté que les enfants partageant le lit parental passent moins de temps en sommeil profond et plus en sommeil léger. Explication de l’effet protecteur de cette architecture particulière du sommeil : au cours du sommeil profond, les réveils sont moins fréquents or, les difficultés d’éveil ont justement été incriminées dans la survenue de la mort subite du nourrisson. En réduisant la part de sommeil profond, le cododo pourrait ainsi protéger les enfants.

Les recommandations officielles contre le sommeil partagé dans le même lit peuvent être contre-productives, car elles s’opposent à la bonne conduite de l’allaitement au sein et peuvent en raccourcir la durée. Et parmi les vertus de l’allaitement, figure notamment la réduction du risque de mort subite du nourrisson. Ces recommandations empêchent de plus de délivrer aux familles les conseils qui permettent de sécuriser cette pratique(27).


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Clémence

Journaliste spécialisée en pédiatrie.

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Références

  1. Airhihenbuwa CO et al. I sleep, because we sleep: a synthesis on the role of culture in sleep behavior research. Sleep Med. 2016 Feb;18:67-73.
  2. Nelson EA et al. International Child Care Practices Study: infant sleeping environment. Early Hum Dev. 2001 Apr;62 (1):43-55.
  3. Streicher MP et al. Étude de la prévalence du sommeil partagé chez les nourrissons de moins de 6 mois en France. Arch Pediatr. 2004 ; 11 (6):739–772.
  4. Casiday RE et al. Do early infant feeding patterns relate to breast-feeding continuation and weight gain? Data from a longitudinal cohort study. Eur J Clin Nutr. 2004 Sep;58 (9):1290-6.
  5. Ball HL. Breastfeeding, bed-sharing, and infant sleep. Birth. 2003 Sep;30 (3):181-8
  6. H L Ball et al. Randomised trial of infant sleep location on the postnatal ward. Arch Dis Child. 2006 Dec; 91(12): 1005–1010.
  7. Baddock SA et al. Differences in infant and parent behaviors during routine bed sharing compared with cot sleeping in the home setting. Pediatrics. 2006 May;117 (5):1599-607.
  8. Gettler LT, McKenna JJ. Evolutionary perspectives on mother-infant sleep proximity and breastfeeding in a laboratory setting. Am J Phys Anthropol. 2011 Mar;144(3):454-62.
  9. Ball, Helen et al. (2016). Bed-sharing by breastfeeding mothers: Who bed-shares and what is the relationship with breastfeeding duration?. Acta Paediatrica. 105. n/a-n/a. 10.1111/apa.13354.
  10. Elizabeth Higley, Mary Dozier. Nighttime maternal responsiveness and infant attachment at one year. Attach Hum Dev. 2009 Jul; 11(4): 347–363.
  11. Ball HL. Parent-infant bed-sharing behavior : Effects of feeding type and presence of father. Hum Nat. 2006;17(3):301-18.
  12. Richard C et al. Sleeping position, orientation, and proximity in bedsharing infants and mothers. Sleep. 1996 Nov;19(9):685-90.
  13. McKenna JJ, Gettler LT. There is no such thing as infant sleep, there is no such thing as breastfeeding, there is only breastsleeping. Acta Paediatr. 2016 Jan;105 (1):17-21.
  14. Mosko S et al. Maternal proximity and infant CO2 environment during bedsharing and possible implications for SIDS research. Am J Phys Anthropol. 1997 Jul;103(3):315-28.
  15. Baddock SA et al. Differences in infant and parent behaviors during routine bed sharing compared with cot sleeping in the home setting. Pediatrics. 2006 May;117 (5):1599-607.
  16. Ball HL. Reasons to bed-share : why parents sleep with their infants. Journal of Reproductive and Infant Psychology 2002;20(4):207-221.
  17. Mosko S et al. Infant arousals during mother-infant bed sharing: implications for infant sleep and sudden infant death syndrome research. Pediatrics. 1997 Nov;100(5):841-9
  18. Beijers R et al. Cortisol regulation in 12-month-old human infants: associations with the infants’ early history of breastfeeding and co-sleeping. Stress. 2013 May;16 (3):267-77.
  19. Okami P et al. Outcome correlates of parent-child bedsharing: an eighteen-year longitudinal study. J Dev Behav Pediatr. 2002 Aug;23(4):244-53.
  20. Forbes JF, Weiss DS, Folen RA. The cosleeping habits of military children. Mil Med. 1992 Apr;157(4):196-200. PMID: 1620382.
  21. Crawford CJ. Parenting Practices in the Basque Country : Implications of Infant and Childhood. Sleeping Location for Personality Development. Ethos 1994 ; 22 (1) : 42-82.
  22. AAP Task Force on Sudden Indant Death Syndrome. SIDS and other sleep-related infant deaths: Updated 2016 recommendations for a safe infant sleeping environment. Pediatrics. 138(5):e20162938.
  23. Rashmi Ranjan Das et al. Is “Bed Sharing” Beneficial and Safe during Infancy? A Systematic Review. Int J Pediatr. 2014; 2014: 468538.
  24. Scragg R et al. Bed sharing, smoking, and alcohol in the sudden infant death syndrome. BMJ. 1993;307:1312–8.
  25. Blair PS et al. Bed-sharing in the absence of hazardous circumstances: is there a risk of sudden infant death syndrome? An analysis from two case-control studies conducted in the UK. PLoS One. 2014;9(9):e107799.
  26. Mosko S et al. Infant sleep architecture during bedsharing and possible implications for SIDS. Sleep. 1996 Nov;19(9):677-84.
  27. Bartick M, Smith LJ. Speaking out on safe sleep: evidence-based infant sleep recommendations. Breastfeed Med. 2014 Nov;9(9):417-22.