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Les avantages du langage des signes pour les bébés

enfant qui signe pour parler

Enseigner à son bébé des rudiments de la langue des signes est une pratique destinée à faciliter la communication avant l’acquisition de la parole. Elle est parfois également présentée comme un moyen d’accélérer la maîtrise du langage et de développer les capacités cognitives de l’enfant. Si la science est peu prolixe sur ces sujets, certains travaux apportent un éclairage sur les avantages de signer avec son bébé, ou plus généralement de l’encourager à développer sa gestuelle. 

Le langage des signes pour faciliter la communication avec son tout-petit

Certains parents s’engagent dans une démarche d’apprentissage de signes à leur bébé, parfois dès ses 6 mois. Ces signes, souvent empruntés à la langue des signes française (LSF), font référence aux activités et concepts employés au quotidien (comme « encore », « manger », « boire », « dormir », « avoir peur »…). L’objectif est d’offrir au bébé un moyen de communication qu’il pourra utiliser avant de maîtriser la parole. 

Proposer un langage alternatif entre 6 et 24 mois

Le développement moteur de l’enfant lui permet de réaliser des gestes avant d’acquérir le langage. Les premiers gestes de communication surviennent en général spontanément vers l’âge de 8 à 10 mois(1). Les premiers mots apparaissent plus tard, avec de grandes variations d’un enfant à l’autre. À 18 mois, certains en maîtrisent à peine 10 tandis que d’autres en utilisent aisément plus de 250(2).

Le langage des signes est dans ce contexte un outil transitoire, qui accompagne les deux ou trois premières années de vie de l’enfant. Il lui permet d’exprimer ses besoins plus facilement et réduit potentiellement les frustrations liées au fait de ne pas être compris, sources de tensions familiales.

Graphique représentant l'évolution du nombre de mots en fonction de l'âge, chez les bébés au développement normal et ceux qui parlent tard
Évolution du nombre de mots en fonction de l’âge, chez les bébés au développement normal (TD) et ceux qui parlent tard (LT)

Le langage des signes aide-t-il à l’apprentissage du langage oral ?

Au-delà de sa capacité à faciliter la communication qui apporte des avantages immédiats, certains considèrent que cette approche pourrait accélérer l’acquisition du langage oral. Il existe relativement peu d’études consacrées à cette question.

Linda Acredolo et Susan Goodwyn, deux psychologues américaines, s’y sont intéressées dès les années 1980 aux États-Unis. Une de leurs principales études a été publiée en 2000. Elle a été menée auprès d’un groupe d’une centaine d’enfants âgés de 11 mois lors de leur recrutement(3). Une partie d’entre eux a été initiée à la langue des signes. Les chercheuses ont ensuite comparé le développement du langage verbal chez les jeunes participants, à 15, 19, 24, 30 et 36 mois. 

Un avantage transitoire sur le langage oral des bébés signeurs

Les résultats ont mis en évidence un léger avantage en faveur des enfants pratiquant la langue des signes sur la plupart des paramètres reflétant l’acquisition du langage. Si les différences entre les groupes d’enfants signeurs et non signeurs ont été significatives à certaines des étapes intermédiaires, elles ne l’étaient cependant plus à la fin de l’étude, aux 3 ans de l’enfant. Les bienfaits langagiers s’estompent ainsi à un certain stade.

Cette étude souligne toutefois que contrairement aux craintes parfois exprimées, l’apprentissage des signes par l’enfant ne retarde pas l’accès à la communication orale. Il délaisse en général le signe une fois qu’il sait prononcer le mot correspondant. 

Des scores au test de QI supérieurs à l’âge de 8 ans

Les deux psychologues ont suivi ce groupe d’enfants sur le long terme. Lorsqu’ils ont atteint l’âge de 8 ans, un test évaluant leur quotient intellectuel leur a été proposé(4). Ceux qui avaient appris le langage des signes lorsqu’ils étaient bébés ont présenté un score supérieur de 12 points en moyenne, les plaçant dans le quart supérieur des enfants de cette tranche d’âge. Chez les autres participants, le score de QI se situait dans la moyenne.

Ces résultats, certes prometteurs, ne peuvent pour autant pas être généralisés, d’autres études seraient nécessaires pour confirmer un éventuel avantage de la langue des signes sur les capacités intellectuelles futures des enfants. 

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Des mères plus attentives aux signaux non verbaux émis par l’enfant

Une étude réalisée en 2012 par le Dr Elizabeth Kirk et son équipe met en lumière un autre intérêt de la langue des signes chez les bébés(5). Elle a impliqué 40 enfants, pratiquant pour certains la langue des signes, suivis sur une période allant de leurs 8 mois à deux ans. Les jeunes signeurs sont parvenus à utiliser entre 2 et 17 signes à bon escient, mais n’ont pas parlé plus tôt que leurs camarades. L’approche a en revanche permis d’améliorer la qualité des interactions mère-enfant.

Les femmes impliquées dans la démarche de la langue des signes étaient plus attentives aux signaux non verbaux émis par le bébé. Elles remarquaient plus facilement un simple changement dans la direction de son regard ou sa manière d’interagir avec son environnement. Elles les encourageaient davantage à réaliser des actions en autonomie.

En favorisant les capacités d’attention maternelles, le langage des signes contribue à la construction d’une relation forte avec l’enfant. Il peut ainsi parfaitement s’inscrire dans une démarche globale de maternage proximal. 

Une maman souriante, assise sur un canapé gris, vêtue d'un t-shirt et d'une veste rose pâle, fait avec sa main gauche un signe en reliant son index et son pouce. Sa fille, debout en face d'elle en t-shirt bleu, fait un signe avec ses deux mains, son index gauche touchant son pouce droit.
L’apprentissage du langage des signes favorise les interactions entre la mère et l’enfant

La gestuelle soutient les apprentissages

Les gestes précèdent la parole, puis l’accompagnent de façon plus ou moins intense selon les personnes et les cultures. Les bambins italiens de deux ans produisent par exemple deux fois plus de gestes à des fins de communication que les jeunes Canadiens du même âge(6).

Loin d’être anecdotique, la gestuelle apparaît en mesure de faciliter bon nombre d’apprentissages et peut servir à développer les compétences des enfants, même en dehors du contexte formel de l’apprentissage du langage des signes.

L’acquisition du langage est plus aisée chez les bébés qui font beaucoup de gestes

Les enfants acquièrent le vocabulaire à un rythme très variable au cours de leurs premières années de vie. Un des éléments qui permet de prédire la richesse de leur futur lexique est l’intensité avec laquelle ils gesticulent tout petits.

Une étude a par exemple montré que les enfants dont la gestuelle est dense à 14 mois utilisent un vocabulaire étoffé à 54 mois. Ils sont le miroir de leurs parents, qui eux-mêmes joignent fréquemment le geste à la parole(7).

Les adultes ont tendance à interagir plus fréquemment avec un bébé qui fait beaucoup de gestes, une attitude considérée comme une façon d’engager l’échange. Ce surcroît de communication aide l’enfant à acquérir une multitude de mots. 

Votre bébé pointe du doigt ? Saisissez l’occasion pour lui apprendre des mots !

Un des premiers gestes spontanés réalisés par le bébé dans un but de communication est le pointage du doigt. L’enfant peut ainsi demander à l’adulte de lui donner un objet inaccessible ou lui montrer quelque chose qui l’intrigue. Il exprime de cette manière son intérêt pour un élément environnant et sollicite des informations. L’adulte va en retour spontanément mettre des mots sur la situation.

Un homme et une femme assis dans l'herbe dans un jardin communiquent avec leur bébé de un an, assis sur les genoux de l'homme. L'enfant pointe du doigt un objet situé hors du cadre que les parents regardent en souriant.
L’apprentissage du langage des signes favorise les interactions entre la mère et l’enfant

Des travaux ont montré que ces conditions sont propices aux apprentissages. Lors d’une étude expérimentale, des paires de nouveaux objets ont été présentées à des bébés de 16 mois. L’expérimentateur attendait que l’enfant manifeste un intérêt plus prononcé pour l’un des deux objets, puis lui présentait une manière d’utiliser chacun d’eux. Après une pause de 10 minutes, l’enfant était invité à reproduire la démonstration. Les jeunes participants y parvenaient bien plus facilement avec l’objet qu’ils avaient désigné, par rapport à l’objet délaissé.

Les enfants sont donc plus aptes à assimiler des informations quand leur curiosité a été piquée(8). Une autre expérience chez des enfants de 18 mois a confirmé cette tendance, mettant en évidence une faculté accrue à retenir le nom d’objets désignés spontanément du doigt(9). L’intérêt est le principal moteur des apprentissages à tout âge, et chez les tout-petits il se manifeste souvent par ce geste de pointage. 

Stimuler la gestuelle des bébés augmente leur vocabulaire

Des chercheurs ont voulu déterminer s’il est possible d’améliorer le lexique des enfants en agissant sur leur propension à faire des gestes. Ils ont constitué un petit groupe de bambins d’un an et demi, impliqués dans une session d’entraînement de 6 semaines au cours de laquelle une partie d’entre eux a été encouragée à recourir aux gestes, de pointage notamment(10).

Chez ces enfants, le nombre de gestes réalisés dans les échanges avec l’adulte a augmenté, aussi bien lors des séances formelles qu’en dehors. À l’issue de cette période, ils utilisaient une plus grande variété de mots lors de leurs interactions avec la personne chargée de prendre soin d’eux.

Graphique comparant le nombre de mots chez les enfants selon s'ils pratiquent le langage des signes avec leur parent, s'ils ne le pratiquent pas ou si seuls leurs parents le font avec eux.
Les enfants incités à faire plus de gestes utilisent un répertoire verbal plus vaste (nombre moyen de mots types en ordonnée). NG : pas de gestuelle. EG : gestuelle de l’adulte. C&EG : gestuelle de l’enfant et de l’adulte.

Utiliser la gestuelle pour aider son enfant à comprendre des mots ou concepts

Les gestes effectués par les adultes peuvent par ailleurs aider les jeunes enfants à saisir le sens de mots et de concepts. Une expérience a été menée chez bambins de 18 à 24 mois(11). L’objectif était de faire comprendre aux enfants le sens du mot « dessous ». Pour une partie des enfants, l’expérimentateur montrait des photos mettant en scène un objet placé sous un autre objet. Pour une autre partie du groupe, il faisait un geste explicitant le mot, plaçant une main sous l’autre. Des tests étaient ensuite réalisés pour évaluer la compréhension du concept par les enfants. Il n’y a pas eu de différence dans le taux de réussite entre les groupes immédiatement après la phase d’apprentissage.

En revanche, le même test réalisé deux ou trois jours plus tard a montré que les enfants avaient mieux saisi le concept lorsqu’il avait été expliqué par le geste. Les enfants âgés de 2 à 4 ans restent attentifs aux gestes réalisés par les adultes pour comprendre le sens de mots inconnus(12). Joindre le geste à la parole représente donc une aide précieuse pour se faire comprendre de nos enfants et ainsi optimiser la communication. 

5 photos chronologiques montrant une dame qui explique à un bébé comment placer un bateau en jouet sous un pont en jouet, en langage des signes.
Exemple de gestuelle pour expliquer le concept “dessous”

Les gestes comme support de la pensée

Certains spécialistes considèrent que les gestes peuvent aider à alléger la charge mentale et faciliter la résolution de problèmes ou l’acquisition de connaissances. Des psychologues ont demandé à un groupe d’enfant de mémoriser des lettres ou des mots tandis qu’ils devaient expliquer la manière dont ils avaient résolu un problème de mathématiques. Les participants sont parvenus à en retenir un plus grand nombre quand ils pouvaient gesticuler durant leurs explications mathématiques.

Les auteurs suggèrent que l’accomplissement des gestes permet d’économiser les ressources cognitives allouées aux maths, et ainsi d’en dédier une partie plus importante à la mémorisation(13). Une autre équipe a montré que les enfants qui recourent spontanément aux gestes parviennent plus aisément à résoudre des tâches de rotation mentale dans l’espace(14).

La gestuelle est ainsi importante dans le développement d’un enfant, elle facilite non seulement la communication, mais également la compréhension de concepts complexes et l’acquisition de connaissances. Encourager son enfant à utiliser des gestes, dans le cadre de la langue des signes ou de manière plus informelle, est ainsi un moyen de développer ses aptitudes dans différents domaines. C’est également une occasion idéale pour partager des moments agréables et ludiques, qui participent à la construction d’une relation complice entre parent et enfant.

En conclusion, les parents peuvent utiliser le langage des signes pour mieux communiquer avec leur bébé, avant l’acquisition du langage. Encourager son enfant à utiliser des gestes pour s’exprimer favorise ses apprentissages et soutient ses performances cognitives. 

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Clémence

Journaliste spécialisée en pédiatrie.

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Références

  1. Crais E et al. The intersection of the development of gestures and intentionality. J Speech Lang Hear Res. 2004 Jun;47(3):678-94.Anne Fernald, Virginia A. Marchman.
  2. Individual Differences in Lexical Processing at 18 Months Predict Vocabulary Growth in Typically-Developing and Late-Talking Toddlers. Child Dev. 2012 Jan; 83(1): 203–222.
  3. Goodwyn, S.W., Acredolo, L.P. & Brown, C.A. Impact of Symbolic Gesturing on Early Language Development. Journal of Nonverbal Behavior 24, 81–103 (2000).
  4. Linda P. Acredolo, and Susan W. Goodwyn, The Longterm Impact of Symbolic Gesturing During Infancy on IQ at Age 8, International Conference on Infant Studies (July 18, 2000: Brighton, UK).
  5. Kirk E et al. To sign or not to sign? The impact of encouraging infants to gesture on infant language and maternal mind-mindedness. Child Dev. 2013 Mar-Apr;84(2):574-90.
  6. Marentette P et al. Gesture and Symbolic Representation in Italian and English-Speaking Canadian 2-Year-Olds. Child Dev. 2016 May;87(3):944-61.
  7. Meredith L. Rowe1, Susan Goldin-Meadow. Differences in early gesture explain SES disparities in child vocabulary size at school entry†. Science. 2009 Feb 13; 323(5916): 951–953.
  8. Begus K, Gliga T, Southgate V. Infants learn what they want to learn: responding to infant pointing leads to superior learning. PLoS One. 2014 Oct 7;9(10):e108817.
  9. Lucca K, Wilbourn MP. Communicating to Learn: Infants’ Pointing Gestures Result in Optimal Learning. Child Dev. 2018 May;89(3):941-960.
  10. LeBarton ES et al. Experimentally-induced Increases in Early Gesture Lead to Increases in Spoken Vocabulary. J Cogn Dev. 2015;16(2):199-220.
  11. Karka K. Mc Gregor et al. Gesture as a support for word learning: The case of under. J Child Lang. 2009 Sep; 36(4): 807–828.
  12. Goodrich W, Hudson Kam CL. Co-speech gesture as input in verb learning. Dev Sci. 2009 Jan;12(1):81-7.
  13. Goldin-Meadow S et al. Explaining math: gesturing lightens the load. Psychol Sci. 2001 Nov;12(6):516-22.
  14. Ehrlich SB et al. The importance of gesture in children’s spatial reasoning. Dev Psychol. 2006 Nov;42(6):1259-68.